9 Décembre 2025

Biopsie de la moelle osseuse : un modèle synthétique pour faciliter l’apprentissage

5 min

Un modèle synthétique de biopsie de moelle osseuse permet aux résidents en médecine de mieux maîtriser cette technique invasive avant de l’exécuter sur des patients.

La biopsie de moelle osseuse est une procédure médicale relativement invasive qui consiste à prélever un cylindre ostéo-médullaire dans le but de diagnostiquer, d’évaluer et de surveiller le stade d’une maladie. Seulement, l’obtention d’un échantillon satisfaisant peut s’avérer laborieuse et relève, en grande partie, de l’expérience du clinicien.

Afin de favoriser la maîtrise de cette technique, les Drs Alexandre Lafleur et Jean-François Leclerc, internistes respectivement au CHU de Québec — Université Laval et à l’Institut universitaire de pneumologie et de cardiologie de Québec, ont innové en développant un modèle synthétique de biopsie de moelle osseuse. Ce dernier permet aux apprenants de s’exercer à plusieurs reprises avant d’effectuer cette procédure délicate sur les personnes. « Ainsi, les résidents sont moins stressés et réussissent plus facilement l’extraction du premier coup, ce qui occasionne moins d’inconfort au patient et améliore la qualité du prélèvement », explique le Dr Leclerc.

Combler un vide

Pour parfaire leur formation, les résidents de première année du programme de médecine interne de l’Université Laval répètent les techniques enseignées sur des simulateurs synthétiques accessibles au Centre de simulation Apprentiss. Seule exception : la biopsie de moelle osseuse, qui se pratiquait uniquement sur modèle cadavérique, faute d’alternative.

À l’été 2022, une pénurie de cadavres prive les étudiants de toute opportunité d’exécution, alors qu’il s’agit d’une procédure difficile à maîtriser. Le Dr Alexandre Lafleur, également directeur de la Chaire de recherche en pédagogie de la Faculté de médecine de l’Université Laval, se met en quête de solutions, en vain : les modèles synthétiques disponibles sont soit peu réalistes, soit trop onéreux.

Il se tourne vers le Dr Leclerc, alors résident, et lui demande s’il peut concevoir un tel objet. « Je suis un patenteux, révèle le Dr Leclerc. En 2016, j’avais fabriqué de la peau artificielle pour l’apprentissage des points de suture, puis j’ai réitéré peu après avec des intestins et un œil synthétiques. N’étant pas ingénieur, je procède par essai-erreur et ça mène généralement à un résultat appréciable. J’ai donc accepté de relever le défi. »

Une innovation portée par la persévérance

Le Dr Leclerc se lance. L’entreprise est ardue, puisque le simulateur doit comporter une série d’éléments hétérogènes — peau, cortex, trabéculations, moelle. À la suite d’une centaine d’heures de développement, dix prototypes sont mis à l’épreuve par le Dr Maxime Chénard-Poirier, hémato-oncologue au CHU de Québec — Université Laval, et collaborateur au projet. Résultat : trop dur, trop mou… rien n’y fait. Dr Leclerc retourne à la table à dessin : il consulte la littérature en génie biomédical, raffine ses mesures et revoit le choix des matériaux. Ce long processus aura pris plus d’un an.

À l’automne 2023, une version définitive du simulateur synthétique est finalement implantée au Centre Apprentiss. À leur grande satisfaction, les étudiants en médecine peuvent désormais répéter à volonté les manœuvres impliquées dans la réalisation d’une biopsie. « Notre modèle est facile à reproduire (en deux heures) et peu coûteux (100 $). Il ne remplace pas la pratique sur un cadavre, qui reste l’option la plus réaliste, mais il la complète, précise le Dr Leclerc. Il présente aussi l’avantage de pouvoir être utilisé à l’hôpital afin d’aider les résidents à rafraîchir leur habileté la veille d’une intervention sur un patient, ce qui est impossible avec un cadavre ».

Plus heureux encore : les Drs Lafleur et Leclerc offrent les instructions de conception et les fichiers pour impression 3D en libre accès à la communauté médicale à des fins d’enseignement, pour que tous puissent profiter de cette avancée. « Le Dr Lafleur et moi entretenions l’objectif de démocratiser l’enseignement de cette technique, conclut le Dr Leclerc. La fabrication du modèle, bien qu’exigeante, reste somme toute banale à mes yeux — je proviens d’une famille de manuels ! Mais savoir que notre simulateur pourrait contribuer à améliorer la pratique de la médecine, ça, c’est réjouissant ! »