26 novembre 2025

ÉCHINOPS prend de l’ampleur et colmate les brèches du système en santé mentale un patient à la fois 

5 min

ÉCHINOPS est un projet unique au Québec. Issu d’une entente entre un service de police et un établissement de santé, il vise à rejoindre et traiter les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Quatre-vingts pour cent des appels logés au 911 pour des services policiers relèvent de problématiques psychosociales. Nombre de ces interventions sont réalisées auprès de personnes ayant des troubles de santé mentale et se terminent souvent par un raccompagnement forcé à l’urgence ou au poste de police. Cela mobilise des ressources importantes sans avoir pour autant un effet durable sur les causes.

Ce constat a motivé le Dr Luigi De Benedictis, psychiatre au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, à innover en créant ÉCHINOPS, une équipe hybride formée de membres du corps policier, d’intervenants communautaires et de cliniciens spécialisés, qui vise à mieux répondre aux besoins des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. « ÉCHINOPS permet de rejoindre et de traiter des patients désaffiliés du système de santé, tout en les maintenant dans leur milieu de vie », dit le psychiatre.

Les défis du terrain

L’idée germe à la suite de la fusion, en 2017, des départements de psychiatrie de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Les psychiatres, désormais intégrés aux équipes de CLSC, se voient confier une responsabilité populationnelle. Pour mieux étendre la portée de son rôle, le Dr De Benedictis et ses collègues sollicitent divers organismes pour s’enquérir des réalités vécues sur le territoire.

Des rencontres avec les agents sociocommunautaires des postes de quartier de Saint-Léonard et de Saint-Michel mettent en lumière l’impuissance des forces de l’ordre devant certaines situations récurrentes. « On me parlait d’hommes en proie à des hallucinations ou, encore, de femmes âgées qui rapportaient des vols de nourriture dans leur réfrigérateur alors qu’elles avaient simplement oublié d’acheter les aliments en question, illustre le Dr De Benedictis. Sur place, les patrouilleurs perçoivent qu’il y a un problème de santé mentale, mais ils ne se sentent pas outillés pour le résoudre. L’intervention policière n’est donc pas pertinente pour répondre à ces personnes. »

Colmater les brèches du système en équipe

Ces témoignages convainquent le psychiatre de la nécessité d’une approche intégrée pour dénouer cette impasse. S’amorce une série de consultations auprès d’interlocuteurs de tous milieux pour trouver la meilleure démarche. En 2022, une entente signée entre le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal donne naissance à ÉCHINOPS, l’Équipe communautaire hybride d’interventions novatrices OSBL-Psychiatrie-SPVM.

ÉCHINOPS regroupe des infirmières, des travailleurs sociaux, un psychiatre ainsi que des agents sociocommunautaires qui font le pont entre les policiers et les intervenants en santé mentale. Chaque semaine, ses membres se réunissent afin de discuter des cas ambigus rencontrés par les agents-patrouilleurs. On dirige les personnes concernées vers les ressources appropriées et on planifie des visites à domicile pour évaluer celles qui apparaissent le plus vulnérables. En tout temps, une infirmière répond aux appels des patrouilleurs et un psychiatre reste disponible au besoin.

De l’aveu du Dr De Benedictis, cette approche contribue à pallier une des grandes failles du système. « Ça me permet de rejoindre ceux qui en ont le plus besoin et que je n’aurais pas vus autrement parce qu’ils sont désaffiliés du système de santé, précise le spécialiste. En éliminant les éléments traumatiques, telles les hospitalisations, on insuffle un sentiment de confiance au patient et on favorise son adhésion à une prise en charge. Quant à moi, le fait de les rencontrer dans leur environnement m’amène à mieux cerner leur problématique et à leur offrir de meilleurs soins. »

Un projet qui prend de l’ampleur

L’impact d’ÉCHINOPS s’est rapidement inscrit sur le terrain : la récurrence des appels au 911 et la judiciarisation ont diminué, de même que le nombre de visites à l’urgence et de raccompagnements forcés, allégeant du coup la pression sur les ressources. Quant aux patients et à leurs proches, ils témoignent d’un soulagement palpable. « On sent vraiment de l’enthousiasme devant ce nouveau modèle, se réjouit le Dr De Benedictis. Les intervenants du CLSC apprécient le fait de pouvoir aider sans coercition, et les policiers sont plus confiants et mieux outillés. »

Depuis sa création, ÉCHINOPS a accompagné plus de 350 personnes et c’est loin d’être terminé, puisque cette initiative fructueuse poursuit son déploiement à vitesse grand V. D’ici 2026, tous les postes de quartier du territoire couvert par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal bénéficieront de son apport, et des postes de quartier hors territoire manifestent également leur intérêt.