Le Centre d’expertise gériatrique de Québec:  penser l’avenir en gériatrisant les soins  

Le vieillissement accéléré de la population confronte le réseau de la santé à des défis sans précédent. Devant l’impasse, le groupe des gériatres de la Capitale-Nationale a innové en mettant sur pied une clinique dédiée aux personnes âgées. Pensé comme une alternative à l’urgence, la Clinique d’accès rapide du Centre d’expertise gériatrique de Québec (CEGQ) mise sur l’interdisciplinarité pour offrir un accès rapide et prodiguer des soins adaptés aux personnes âgées.

« Ici, les patients sont reçus dans un délai de 5 jours, affirme la Dre Valérie Plante. En une visite de trois heures, ils voient une travailleuse sociale, une infirmière, un pharmacien, un médecin, une physiothérapeute et passent les tests requis. Les lieux sont aménagés pour une clientèle âgée et les visites sont planifiées en amont, ce qui permet une coordination serrée et une prise en charge efficace et humaine. »

Une grande remise en question

L’initiative fait suite à un constat brutal: la pandémie a précipité la fragilisation des personnes âgées. « Pour obtenir des soins, les patients âgés doivent souvent passer par l’urgence, poursuit la Dre Valérie Plante. Or, l’approche hospitalo-centrique n’est pas appropriée pour eux, car ça les désorganise. Devant le tsunami gris à nos portes, on s’est demandé comment, à 140 gériatres pour la province, on parviendrait à répondre aux innombrables besoins. »

Au printemps 2022, les gériatres convoquent un lac-à-l’épaule. Objectif:  repenser l’organisation des soins. Tout est remis en question, les propositions audacieuses sont au rendez-vous. Un principe émerge: pourquoi le réseau ne s’adapterait-il pas à la personne âgée plutôt que l’inverse ?  Naît alors la vision d’un plateau technique adapté où conflueraient toutes les expertises requises à l’accompagnement des aînés.

Tous pour un

Ce changement de paradigme arrive dans un contexte où le personnel est sous pression et les ressources, limitées. Rien n’est facile. Malgré tout, les trois gériatres avancent, convainquent, fédèrent; les équipes collaborent, s’adaptent, usent de créativité. Tous gardent le cap sur le même objectif: le bénéfice du patient.

« Dès le début, on a impliqué les professionnels, insiste la Dre Marie-Pierre Fortin. On tenait vraiment à ce que ce soit un projet de groupe, le fruit d’une vision commune portée par l’interdisciplinarité. »

L’équipe clinique constituée, on mutualise les services avec ceux de l’hôpital. « La gériatrie est par définition une spécialité pluridisciplinaire, mais ç’aurait été de la perte que de mobiliser un gériatre et toute une équipe de professionnels pour quelques cas urgents au quotidien, explique la Dre Mélanie Hains. La collaboration avec les spécialistes du milieu hospitalier permet une efficience totale: dans une même journée, on répond à des situations urgentes, on voit des cas généraux, on évalue des patients en onco-gériatrie ou en néphro-gériatrie… »

Des résultats fructueux

Cette réorganisation des services, accompagnée de la mise en place de cliniques surspécialisées d’évaluation de la fragilité au sein du CEGQ, permet de mieux composer avec un enjeu propre à la gériatrie:  l’hétérogénéité du vieillissement. « Un octogénaire peut sortir revigoré d’une chirurgie cardiaque alors qu’un autre y perdra son autonomie, illustre la Dre Marie-Pierre Fortin. C’est pourquoi il importe d’adapter le parcours de soins à l’état de fragilité du patient, et à ce titre, l’expertise gériatrique est importante.  Cela permet non seulement d’améliorer la qualité de vie des aînés et de prolonger leur autonomie, mais aussi d’optimiser la gestion de nombreuses listes d’attente dans le réseau. En fin de compte, tout le monde y gagne. »

C’est ce que semble confirmer une démarche d’évaluation menée il y a quelques mois auprès de 38 usagers de la clinique d’accès rapide : le taux de satisfaction atteint 97% et met en lumière la rapidité et la qualité de la prise en charge, l’efficacité du service et la bienveillance du personnel. « On a choisi la gériatrie parce qu’on aime les personnes âgées et qu’on veut en prendre soin, conclut la Dre Mélanie Hains. Et là, je pense qu’on vient de trouver un modèle qui va en ce sens. »