16 septembre 2025
Les Éco-CMDP : soigner les humains… et la planète
Les Éco-CMDP sont des comités formés de médecins et de pharmaciens qui innovent en proposant des soins à la fois sécuritaires et écoresponsables.

Le secteur de la santé est responsable de cinq pour cent des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada — presque le double de celles générées par l’industrie aérienne nationale. Ce constat dérange, surtout quand on sait que la qualité de notre environnement influence directement notre état de santé.
« Il y a un paradoxe à traiter l’asthme avec un bronchodilatateur en pompe qui émet, à lui seul, autant de gaz à effet de serre (GES) qu’un trajet de 250 km en voiture », illustre le Dr Eric Notebaert, urgentologue, président de l’Éco-CMDP du CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal et coordonnateur du groupe Crise climatique et santé planétaire à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
C’est pour corriger ce type d’incohérence que des cliniciens ont fondé la communauté de pratique des Éco-CMDP : des comités innovants qui repensent les soins à l’aune de leur impact environnemental, et qui s’implantent tranquillement dans divers endroits au Québec.
L’angle mort du développement durable dans le milieu de la santé
Depuis 2019, chaque établissement du réseau québécois de la santé doit comporter un comité de développement durable. « Or, ces instances se concentrent surtout sur l’impact carbone des bâtiments et sur la gestion des matières résiduelles, mais peu sur les soins, explique la Dre Sandy Perreault, psychiatre au CISSS de la Montérégie-Centre. On trouvait qu’il y avait un manque. »
Passionnée par les cobénéfices des soins de santé durable, la Dre Perreault multiplie les recherches sur les pratiques inspirantes en santé ailleurs dans le monde. « J’appelais souvent le conseiller en développement durable de mon CISSS pour lui parler de projets, raconte-t-elle en riant. Un jour, il m’a invitée à contacter la Dre Catherine Lavallée, une anesthésiste aussi motivée que moi. Il m’a dit : “Parlez-vous donc !” »
Sitôt dit, sitôt fait. Les deux spécialistes s’affairent ensuite à rallier d’autres collègues engagés qui aspirent au même objectif : améliorer la qualité des soins tout en tenant compte de leur impact environnemental. Le groupe s’inspire de l’Éco-CMDP du CISSS de Laval, cofondé en 2019 par les Dres Stéphanie Burelle et Chloé Courteau-Vézina, et entreprend d’ériger une structure semblable. En 2022, l’Éco-CMDP de la Montérégie-Centre voit le jour. Relevant du CMDP de l’établissement (le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, chargé, entre autres, de contrôler la qualité de la pratique), le regroupement de cliniciens réévalue la conception des soins dans une optique de santé durable.
Soigner mieux, polluer moins
Tous les deux mois, les membres se réunissent afin de communiquer des résultats de recherche, partager des idées et formuler des recommandations. Des médicaments aux équipements en passant par les protocoles, tout y passe. Parmi les révisions fructueuses mises en place à l’hôpital : la substitution des inhalateurs par aérosols, très polluants, par des poudres sèches. « Chez la grande majorité des patients, les deux traitements sont tout aussi efficaces. On conserve donc la même qualité de soins tout en diminuant notre impact environnemental », affirme la Dre Perreault.
La même logique prévaut pour les examens diagnostiques : radiographies, scan, IRM… sont-ils toujours nécessaires ? « Ces examens comportent parfois des risques pour le patient et génèrent une importante empreinte carbone, poursuit la psychiatre. On veut aider nos collègues et leurs patients à évaluer la pertinence de certaines interventions, toujours sur la base de données probantes. »
Vers un système de santé durable
Selon le Dr Notebaert, écoconcevoir les soins engendre des retombées intéressantes à maints égards. « Des études démontrent que jusqu’à trente pour cent des interventions, examens et traitements prodigués au Canada sont potentiellement inutiles pour la santé du patient, affirme-t-il. En traitant de façon plus judicieuse, on améliore les soins tout en réduisant le gaspillage de ressources ». Qui plus est, les économies réalisées sont substantielles, et l’accès aux soins s’en trouve amélioré du fait des listes d’attente réduites.
Cette approche, née il y a une dizaine d’années, commence tout juste à émerger au Québec. « On souhaite faire circuler les idées, et la communauté des Éco-CMDP est extrêmement stimulante à cet égard, conclut la Dre Perreault. On invite nos confrères du réseau à se joindre à nous. Il y a beaucoup de choses que l’on peut faire dans nos milieux pour rendre notre système de santé durable, et faire en sorte qu’il ne nuise pas aux patients de demain. L’Angleterre vise la carboneutralité de son système de santé pour 2040, et les efforts en ce sens génèrent des bénéfices tant au niveau de la santé de la population que du bien-être des soignants. Cela devrait nous inspirer. »
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