3 Décembre 2025

Orthopédie : un Bouclier croisé innovant pour prévenir les chirurgies du genou

5 min

L’application Bouclier croisé permet d’anticiper les blessures au ligament croisé antérieur avant qu’elles ne surviennent et, conséquemment, de diminuer de façon importante les chirurgies du genou.

Les blessures au ligament croisé antérieur sont de plus en plus fréquentes et engendrent chaque année plus de 200 000 chirurgies du genou en Amérique du Nord, des statistiques qui sèment la consternation considérant le caractère évitable de ces lésions aux répercussions dévastatrices.

Pour contrer cette épidémie, le Dr Paul Martineau, chirurgien orthopédique et chercheur à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, a développé le Bouclier croisé, une application mobile innovante qui repère les individus prédisposés à ce type de traumatisme. « En analysant un simple saut exécuté devant la caméra du téléphone intelligent, l’intelligence artificielle détecte si le mouvement est problématique, explique le spécialiste. Auquel cas, l’application oriente la personne vers un professionnel de la réadaptation, tels un kinésiologue ou un physiothérapeute. Ces interventions préventives contribuent à réduire de 40 % le risque de blessures. »

Blessures : pas seulement de la malchance

Le Dr Martineau s’intéresse aux blessures du ligament croisé antérieur depuis près de 25 ans. Dès sa première étude, il constate une surreprésentation des femmes parmi les blessés — sept fois plus nombreuses que les hommes. Puis, au fil des années, il voit les cas se multiplier chez les enfants. Si la malchance joue un rôle dans certains de ces incidents, il y a plus…

« Certains groupes sont prédisposés à ce type de lésion, déplore le Dr Martineau. Chez les femmes, la fluctuation hormonale liée au cycle menstruel engendre périodiquement une laxité accrue des ligaments, les exposant davantage à des risques de déchirures. Quant aux adolescents, la surspécialisation sportive précoce les fragilise à cet égard. Depuis quelques années, j’opère un nombre accru de jeunes de moins de 15 ans pour des ruptures du ligament croisé antérieur, des interventions qui étaient, auparavant, pratiquées essentiellement sur des athlètes d’élite. »

Inspiré par la console de jeu vidéo de son fils

C’est en voyant la console de jeu vidéo de son fils, en 2015, que le Dr Martineau a l’idée d’une application qui permettrait d’anticiper les blessures aux genoux avant qu’elles ne se produisent. « Le boîtier était surmonté d’un capteur de mouvement extrêmement performant, se souvient le chirurgien. Cela tranchait nettement avec l’équipement imposant — un système multicaméras immobilisé dans un laboratoire — que je dois utiliser pour réaliser une analyse de mouvement sur un patient, limitant de fait l’accès à ce genre d’examen. J’ai donc emprunté le capteur à mon garçon pour en explorer les possibilités. »

À l’aide de ses étudiants et d’experts en génie informatique, le Dr Martineau entreprend l’élaboration d’un algorithme qui, à l’aide de l’intelligence artificielle, peut disséquer et interpréter les gestes effectués devant caméra. Il lui faudra toutefois attendre les avancées technologiques récentes autour de l’infonuagique et des appareils photo des téléphones intelligents pour, finalement, matérialiser les travaux de son équipe en une application mobile.

Prévenir plutôt que guérir

Depuis octobre 2025, l’application Bouclier croisé est disponible en deux versions : une professionnelle destinée aux cliniciens et aux thérapeutes sportifs, et une gratuite que tous peuvent télécharger à partir de l’App Store. Testé sur près de 2000 athlètes universitaires, le Bouclier croisé s’est illustré par sa convivialité et sa justesse. « On a réussi à prédire presque toutes les blessures au ligament croisé avant qu’elles ne se présentent », se réjouit le Dr Martineau.

Le chirurgien caresse l’objectif d’implanter son innovation dans les écoles, notamment celles qui proposent un volet sport-étude. « On espère que le Bouclier croisé va mener à reconsidérer la pratique de certains sports en y intégrant une dimension préventive, conclut-il. Il existe des exercices faciles et connus qui ont l’heur de parer les blessures, mais les athlètes et les entraîneurs passent souvent outre afin de gagner du temps. C’est une erreur ! Le fléau des lésions aux genoux ne se réglera pas avec de meilleures chirurgies — ces dernières laissant nécessairement des séquelles. La prévention reste l’avenue à préconiser ».