10 septembre 2025

Soigner le pied diabétique en équipe pour prévenir l’amputation

11 min

À Saint-Charles-Borromée, près de Joliette, la clinique du pied diabétique promeut une approche multidisciplinaire innovante pour une prise en charge globale des patients diabétiques souffrant de problèmes aux pieds.  

Près de 800000 Québécois souffrent de diabète, et vingt-cinq pour cent dentre eux développeront des complications importantes, dont le pied diabétique. «Le diabète engendre des problèmes de sensation et de circulation aux pieds, explique le Dr Michel Legault, chirurgien vasculaire au Centre hospitalier de Lanaudière et cofondateur de la clinique du pied diabétique. Cela entraîne des déformations du pied, de la sécheresse et des ulcères qui conduisent, dans de nombreux cas, à une amputation.» 

Pour faire face à laugmentation des cas et mieux gérer la complexité et la sévérité de cette maladie, le docteur Legault, le podiatre Sébastien Hains et linfirmière spécialisée en soins de plaies Luce Martineau ont créé une clinique novatrice entièrement dédiée au pied diabétique. Le principe : que le patient puisse bénéficier de toutes les expertises pertinentes et recevoir tous les soins requis lors d’une seule et même visite. 

Un rêve né à Washington 

L’idée de cette clinique nait en 2010 à Washington. «Dans le cadre d’un congrès portant sur le pied diabétique, on nous a fait visiter une clinique en soins de plaies ultraspécialisés. On y suivait le parcours d’un patient qui déambulait d’un cubicule à l’autre, en rencontrant chaque fois un intervenant qui traitait un des aspects de son problème. En un avant-midi, tout était terminé et il retournait à la maison. Javais été impressionné. C’est devenu mon rêve de pouvoir monter ça au Québec», se souvient le Dr Legault.  

À son retour, il partage ses impressions avec le Dr Hains et Mme Martineau. Cest lenthousiasme ! En 2021, le trio reçoit le feu vert et entreprend les démarches pour concrétiser cette vision. On développe des partenariats avec la Faculté de médecine de l’Université Laval et le programme de médecine podiatrique de l’Université du Québec à Trois-Rivières afin d’accueillir des externes et des résidents. L’hôpital met des locaux à la disposition de l’équipe, et la clinique reçoit ses premiers patients à l’automne 2022. 

Le patient d’abord 

La clinique fonctionne une demi-journée toutes les deux semaines. Lors de sa visite, le patient rencontre le chirurgien vasculaire, le podiatre et l’infirmière clinicienne. Au besoin, il est référé immédiatement à d’autres spécialistes ou professionnels de l’hôpital qui sont familiers avec les activités de la clinique. Enfin, des réunions semi-annuelles permettent aux intervenants de se concerter et de mettre à jour le plan de traitement du bénéficiaire.  

Cette approche hors norme démontre rapidement de nombreux avantages à tous égards. Du point de vue clinique, la qualité de la prise en charge diminue le nombre dhospitalisations et de visites aux urgences. Sur le plan académique, les résidents et les externes développent leur expertise tout en contribuant activement aux soins. Enfin, les patients apprécient l’économie de temps et dargent. «Pour les personnes à mobilité réduite ou aux revenus modestes, le fait de se déplacer une seule fois et de ne payer qu’un billet de stationnement fait une grande différence», témoigne le Dr Legault.  

Un modèle d’avenir pour la médecine spécialisée  

En une quinzaine de mois d’opération (la clinique n’était pas en fonction durant l’été 2023 ni durant l’année 2024), cinquante-huit patients ont été évalués. «Notre clinique est encore toute petite, mais notre but reste de préserver des membres», affirme le Dr Legault. Le spécialiste évoque à cet effet des études américaines qui attestent d’une diminution importante du taux d’amputation chez les bénéficiaires de ces établissements spécialisés, même si ces derniers existent depuis peu. 

Constatant les bienfaits de cette approche, le chirurgien souhaite vivement que ce modèle fasse des petits. «Je suis profondément convaincu que ce genre de pratique multidisciplinaire focalisée sur le patient et non pas seulement sur sa pathologie représente la nouvelle façon de pratiquer la médecine spécialisée», conclut Dr Legault.