8 octobre 2025
Une politique novatrice pour enrayer la surutilisation des drains thoraciques
La création d’un cadre directeur pour l’installation de drains thoraciques en radiologie a permis de diminuer considérablement le recours à cette procédure au profit d’alternatives plus conviviales, tant pour le patient que pour le système de santé.

La pose d’un drain thoracique est souvent l’intervention préconisée en radiologie lorsqu’il faut retirer l’air ou le liquide accumulé entre le poumon et la cage thoracique. Seulement, cette procédure envahissante comporte des effets délétères pour le patient, alourdit le travail des soignants et, bien souvent, pourrait être évitée.
Devant cet état de fait, le Dr Stéphane Beaudoin, pneumologue à l’Institut thoracique de Montréal et responsable des maladies pleurales au Centre universitaire de santé McGill, a assemblé un groupe de travail interdisciplinaire qui a mis en place un cadre directeur visant à réduire la surutilisation de drains thoraciques au profit de procédés plus doux et tout aussi efficaces. « Notre système d’ordonnance standardisé permet maintenant de prescrire l’acte le plus approprié en se basant sur des critères précis », explique le spécialiste.
Un audit éclairant
Dès le début de sa pratique en pneumologie d’intervention, le Dr Beaudoin perçoit que la trajectoire de certains patients laissait place à l’amélioration. « Des patients à qui je devais mettre un drain thoracique tunnellisé pour pallier un épanchement malin affichaient un historique d’hospitalisations et d’interventions qui n’avaient pas lieu d’être en regard de leur pathologie, se souvient le pneumologue. Cela avait engendré chez eux des complications qui auraient pu être évitées. J’ai voulu comprendre ce qui avait mené à cela. »
De concert avec ses collègues radiologistes, le Dr Beaudoin entreprend de documenter la situation et audite l’ensemble des pratiques liées à la pose de drains thoraciques. Entouré d’une équipe interdisciplinaire, il lance la discussion. « Mes collègues chirurgiens, radiologistes, internistes et moi avons convenu d’une liste de critères requis pour l’installation d’un drain thoracique, explique-t-il. Puis, à l’aune de ces nouveaux standards, nous avons révisé toutes les procédures qui avaient été effectuées en radiologie afin de départager celles qui étaient adéquates de celles qui ne l’étaient pas. »
Conclusion : 50 à 60 % des drains thoraciques mis aux patients pouvaient être remplacés par une solution moins invasive et moins coûteuse. « L’installation de drains thoraciques était devenue, pour toutes sortes de raisons, une réponse thérapeutique convenue, et cela n’avait jamais été remis en question. Pourtant, la littérature émanant des grands centres d’expertise pleurale en Europe et en Australie suggère de recourir d’emblée aux ponctions pleurales — qui consistent à prélever le liquide ou l’air à l’aide d’une aiguille — et de restreindre l’utilisation de drains à des cas spécifiques », dit le Dr Beaudoin.
Une politique efficiente
En réponse à ce constat, le Dr Beaudoin et ses collègues élaborent une politique de drainage pleural en misant sur une ordonnance standardisée. « Lorsqu’il émet une requête, le médecin doit valider dans le dossier électronique du patient la présence ou non de chacun des indicateurs nécessaires à la pose d’un drain, explique le spécialiste. Selon les cases sélectionnées, le système prescrit la procédure la plus propice. Si un drain thoracique est requis, l’ordonnance recommandera la taille appropriée. Autrement, le patient subira une ponction, moins douloureuse et moins invalidante. »
La mise en place de cette structure a immédiatement porté fruit. Entre 2019 à 2020, le recours aux drains thoraciques est passé de 87 % de l’ensemble des procédures pleurales effectuées en radiologie, à 55 %. Et dans les cas où un drain est indiqué, notamment pour traiter une infection pleurale, la sélection de drains trop petits a diminué, passant de 50 % à 7 %. Selon le Dr Beaudoin, ces bonnes statistiques persistent encore aujourd’hui, signe d’une implantation réussie et efficace, même dans un contexte de rotation de résidents et de roulement de personnel.
Le Dr Beaudoin salue l’interdisciplinarité qui a pavé la voie à cette réussite et espère que son initiative inspirera d’autres équipes. « Lorsqu’ils ne sont pas justifiés, les drains thoraciques n’offrent aucune valeur ajoutée par rapport aux ponctions pleurales, souligne le pneumologue. Ils causent plus de douleurs aux patients et les contraignent à l’immobilisme, sans parler des risques accrus d’infection et de complications. De plus, ils nécessitent des soins infirmiers complexes et mobilisent davantage de ressources. En implantant cette politique à plus large échelle, on pourrait éliminer un soin coûteux, non pertinent et moins sécuritaire. »
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