6 décembre 2022

L’hospitalisation à domicile accroît la capacité hospitalière

Par Suzanne Blanchet

6 min

Dans un proche avenir, près de 10 % des patients pourraient être hospitalisés à la maison si les bonnes conditions sont réunies.

En Alberta, en Ontario, en Colombie-Britannique, dans certains États américains et en France, des hôpitaux ont commencé à mettre en application le concept d’hospitalisation à domicile. Il ne s’agit pas de soins à domicile de première ligne, comme ceux donnés par les CLSC, mais de véritables soins hospitaliers. Dans le cadre de ce programme, les patients sont suivis par des médecins et une équipe soignante de l’hôpital. Le Québec s’apprête à adopter ce concept. De fait, au début de 2022, l’Hôpital général juif de Montréal a déjà amorcé un projet pilote, pour des patients atteints de la COVID-19, et pour d’autres clientèles. « Si l’état du patient le permet et si les conditions sont réunies, l’hospitalisation à domicile sera proposée avec un encadrement approprié, dit le Dr Vincent Oliva. Plusieurs patients hésitent à se rendre à l’urgence, parce qu’ils ne veulent pas courir le risque d’être hospitalisés ; ils préfèrent rester chez eux. » Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec insiste : l’hospitalisation à domicile doit se faire sur une base volontaire. Aucun patient n’y sera forcé.

Les bons candidats

Le premier critère qui détermine si un patient est un bon candidat : le niveau de risque. Si la personne a besoin de soins intensifs ou si l’on craint que son état se détériore, on ne lui offrira pas l’hospitalisation à domicile. « On peut considérer que l’état d’un patient est stable même si un suivi régulier doit être effectué et les prescriptions doivent être adaptées au besoin », précise le Dr Oliva.

L’environnement du patient entre aussi en ligne de compte. Son logement doit être salubre, il doit pouvoir manger convenablement, et la présence d’un proche aidant est indispensable. Ce dernier doit être apte à effectuer les tâches qui lui seront confiées. Il doit aussi être en mesure de comprendre le fonctionnement de l’équipement médical et des outils de communication qu’il devra utiliser. « Si le proche aidant ne croit pas pouvoir assumer ce rôle, nous ne l’imposerons pas, et le patient sera hospitalisé. » Le Dr Oliva observe néanmoins que, lorsqu’un patient est à l’hôpital, un proche aidant est souvent à ses côtés du matin au soir et se sent impuissant et inutile la plupart du temps : « Généralement, les proches préféreraient s’occuper de la personne malade à la maison. »

L’encadrement

« Les patients hospitalisés à domicile ne sont pas en danger : ils reçoivent le même monitorage que celui qu’ils auraient eu à l’hôpital », affirme le Dr Oliva. Par exemple, au lieu qu’un soignant déambule de chambre en chambre pour mesurer la tension artérielle et le taux d’oxygène dans le sang des patients, le proche effectuera ces tâches à domicile, et le personnel soignant analysera les résultats à distance. Afin d’établir un indispensable contact visuel, le médecin et l’équipe soignante communiqueront avec le patient et son proche aidant au moyen d’un téléphone intelligent ou d’une tablette électronique fourni par l’hôpital.

Les avantages pour le patient

L’hospitalisation à domicile comporte de nombreux avantages, le premier étant sans contredit l’absence de risques d’infections secondaires. Le patient peut également manger la nourriture à laquelle il est habitué, ce qui peut contribuer à son rétablissement, lire dans son fauteuil préféré, prendre l’air sur le balcon ou encore se reposer en faisant des siestes à sa convenance dans un environnement calme où l’éclairage est tamisé. Il peut aussi être actif à son propre rythme, se lever ou marcher plus facilement lorsqu’il est chez lui, et les risques de chutes sont moins élevés à domicile que dans une chambre d’hôpital. Enfin, le délirium est fréquent chez les personnes âgées hospitalisées, car elles perdent leurs repères et sont souvent désorientées. L’hospitalisation à domicile prévient ce problème. « L’hospitalisation vise l’amélioration de l’état de santé du patient. Or, il est prouvé qu’il s’améliore plus vite à la maison et que le taux de complication est plus faible », soutient le Dr Oliva. Lorsque le médecin juge que son patient est fonctionnel à nouveau, il s’appuie sur les mêmes critères qu’il utiliserait pour lui donner son congé de l’hôpital.

Au-delà des économies

Selon les expériences menées à ce jour, plus de 10 % des patients seraient de bons candidats à l’hospitalisation à domicile. Est-ce à dire que 10 % des lits d’hôpitaux pourraient être vides ? Ou alors, seraient-ils comblés par d’autres patients en attente d’une hospitalisation ? Dans ce cas, où serait l’économie ? « Si l’objectif était de faire des économies, oui, il faudrait laisser les lits vides, reconnaît le Dr Oliva… mais je doute que nous fassions ce choix ! Depuis la pandémie, les médias parlent beaucoup des listes d’attente en chirurgie, mais la liste des patients qui attendent d’être traités est longue et, j’insiste, pas seulement en chirurgie. Si nous pouvons créer 10 % de capacité supplémentaire, c’est toute la population qui profitera de cette marge de manœuvre. Comme les moyens technologiques évoluent constamment, c’est certain qu’avant longtemps nous n’exercerons plus la médecine de la même façon. Nous devons profiter des avancées qui nous sont offertes. »